Avec une critique cinématographique qui argumente sur l'incapacité à adapter le livre.
La Tour sombre au cinéma : pitié, pas ça !
Faut-il vraiment adapter La Tour sombre, immense saga de Stephen King, au cinéma ? Eh bien non, mille fois non…
Certains bouquins semblent n’attendre qu’une chose : qu’on les adapte au cinéma. Prenez la série des James Bond de Fleming par exemple… Quoiqu’on pense de 007 et de ses multiples interprètes -de Sean Connery à Daniel Craig- ça a quand même vachement de gueule sur grand écran. Normal, puisque l’agent secret de sa Majesté est passé maître dans l’art du flingage à tout va, des bastons qui en jettent et des courses en bagnole, en moto ou en hélicoptère.
Mais pour d’autres bouquins, même dans la catégorie « action aventure », le débat est loin d’être aussi évident. C’est le cas de la Tour Sombre de Stephen King, dont l’adaptation cinématographique a très récemment été remise sur les rails par les studios Warner Bros. On voit d’ici bondir certains fan du maître incontestable du suspens et de l’horreur… De quoi ? Vous critiquez ? Mais la Tour Sombre au ciné, on n’attend que ça !
La quête du Pistolero : évidemment tentant au cinéma…
Bon, à bien des égards, il faudrait leur donner raison. Cette fresque épique -en sept tomes, bientôt huit, qui totalisent plus de 4000 pages- semble à première vue clairement taillée pour le format ciné… et d’abord grâce à son scénario. Quelques précisions à ce sujet à l’attention de ceux qui ne le connaîtraient pas mais qui lisent tout de même cet article : Roland Deschain, énigmatique as de la gâchette (Gunslinger ou Pistolero pour King) est en quête de la Tour Sombre, centre de tous les mondes et de tous les univers. Sa mission : empêcher que ce lieu de pouvoir ultime tombe entre des mains mal intentionnées, en particulier celles du magicien Walter O’Dimm et du dangereux (et fou à lier) Roi Cramoisi.
Tel le Frodon du Seigneur des Anneaux, sa quête tourne vite à l’obsession (et au calvaire). Et à l’instar du personnage de Tolkien, il reçoit rapidement de l’aide : Eddy Dean, junky repenti, Suzanna Holmes, militante noire, et Jake Chambers, jeune garçon qui devient rapidement « fils adoptif ». Une communauté de l’anneau rebaptisée Ka-tet. Le tout fondu dans l’inimitable style de King bien sûr. Mais l’idée est la même : un héros, son but ultime, ses acolytes aux caractères tranchés, et ses opposants qui veulent sans trop de surprise plonger le monde dans le chaos. Déjà de quoi chiader un sacré bon film grand spectacle…
Sans compter que le King s’amuse à bondir d’un monde à l’autre : Roland poursuit son ennemi juré au plus profond du désert (Oui oui, rappelez-vous la mythique première phrase : « L’homme en noir fuyait dans le désert et le Pistolero le suivait ») avant d’affronter une horde de mutants au cœur de la montagne. Survivant d’un « monde-qui-fut » qui rappelle la féodalité en bon nombre de points, le flingueur taciturne explore une terre post-apocalyptique visiblement ravagée par une guerre nucléaire. Par la magie des « portes », il passe ensuite à plusieurs reprises dans le New-York de notre monde, à différentes époques. Sans oublier son combat à Meijis ou à Calla Brun Sturgys, qui rappellent le Mexique et le Texas des westerns à la Sergio Leone, la course-poursuite à Lud, ville technologique fantomatique, ou la mortelle partie de devinettes à bord d’un train diabolique… Bref, plus de changement de décors que dans Star Wars : il y aurait de quoi s’amuser !
« Jupiter du système solaire » de l’imagination de King
Et pourtant, nous persistons et nous signons : faire de cette saga littéraire un film serait certainement une mémorable connerie et une atteinte à Sai King (que ceux qui ne comprennent pas l’expression lisent son livre). Car l’auteur de Carrie, de Shining, de Ça et du Fléau -autant de romans à lire d’urgence quoiqu’en disent certains profs de français trop conformistes- n’a pas seulement fabriqué une épopée à la Tolkien. Il a écrit son grand œuvre. Il a livré au monde l’effrayante « Jupiter du système solaire de son imagination »(et Dieu sait qu’il en a). Sa saga est bien davantage qu’une quête et une opposition entre le bien et le mal : elle est un fourmillement de mondes et d’histoires, dont aucun film ne saurait réellement rendre compte.
Surtout, La Tour Sombre n’est pas seulement une saga d’aventure, une épopée de fantasy rédigée dans un style décidément inégalable. Stephen King a jeté ses tripes les plus personnelles dans la bataille : son œuvre est profondément sienne. Elle invite à une réflexion sur le pouvoir de l’écrivain, sur sa rencontre avec ses personnages et son attachement à eux. Preuve de cette volonté d’introspection : Stephen King ose se mettrelui-même en scène dans les derniers tomes, en écrivain perdu finalement sauvé… par l’un de ses personnages (symbolique, quand tu nous tiens…). Au passage, il n’hésite pas non plus à faire allusion à plusieurs de ses autres romans et à établir entre eux des connexions à travers son récit. Quel film saurait retracer une telle audace littéraire ?
Un mec qui vous annonce la fin et que vous lisez quand même… Possible au cinéma ?
Et puis, parlons sérieusement : King maîtrise comme personne l’art du flash-back. Mais un flash-back unique en son genre car lui aussi profondément littéraire. Et l’on parle d’un auteur capable de vous tenir en haleine, quand bien même il vous annonce d’entrée de jeu que le type que vous suivez pas à pas depuis trente pages va y rester… « A ce moment-là, il ne lui restait qu’une minute à vivre ». On pourrait se marrer. Se demander pour qui se prend ce con prétentieux d’écrivain qui vous lâche sa fin dès le début. Mais on ne se marre pas. On se précipite. Avide. Dévorant le texte à grandes bouchées pour savoir comment, comment tout va se terminer. Et Stephen King, lui, vous souffle à l’oreille : « Tu vois, tu me suis… Je te balance la fin et tu continues quand même… Alors, c’est qui le meilleur ? »
Sauf que… sauf que tous ces procédés qui font l’énorme richesse de La Tour Sombre ne donneront rien, absolument rien au cinéma. Une fois portée à l’écran, la saga sera ce qu’elle doit être : un film à grand spectacle. Mais pas un grand spectacle à la King. Du reste, il n’y a qu’à revoir quelques unes des adaptations cinématographiques faites de ses livres pour s’en convaincre. Le Fléau ? Sympathique… mais Randall Flagg ressemble tellement peu au mythique superméchant du roman… Ça ? Le clown horrifique fait son petit effet… mais là encore, on est loin, tellement loin de la terreur qu’il inspire dans le livre (« Bip bip Richy ! »). Shining ? Ah, c’est peut-être l’exception… mais Stephen King a lui-même estimé que la mythique adaptation signée Kubrick éludait nombre des thèmes qu’il aborde dans le livre (le père accro à l’alcool, les tristes perspectives de la classe moyenne américaine…).
Bref, pas de quoi se rassurer. On en jure par notre montre et notre billet (encore une fois, lisez le bouquin si vous ne comprenez pas !) : La Tour Sombre à l’écran, ce sera peut-être bien, ce sera peut-être géant, mais ce ne pourra pas vraiment être du King. King n’est vraiment lui-même que dans ses pages. Et puis, tiens, on allait l’oublier : la fin. LA fin. L’immense fin de la saga, arrivée en 2004 avec le septième tome. Comment est-ce que vous balancez une fin pareille au cinéma, hein ? Comment est-ce que vous montrez comment Roland… oups. Non, on ne va pas quand même pas vous la balancer ! N’est pas Stephen King qui veut, et on n’est pas sûr de pouvoir vous retenir en vous dévoilant d’entrée de jeu comment ça se termine. On va donc vous laisser attendre l’adaptation, si elle sort.
D’ici là, que vos journées soient longues et vos nuits plaisantes… et si vous avez lu le livre, vous me répondrez : « Le double du compte pour vous ». Même si vous n’êtes pas d’accord avec cette critique.
Crédit photo : ToxicMosaic / Flickr
Tout à fait d'accod, exepté lorsqu'il est dit que nous savons la fin du roman dès le début.
RépondreSupprimerEt c'est possible au cinéma, puisque ça a déjà été fait, voir L'Armée des douze singes.
RépondreSupprimerL année dernière est sortie la tour sombre, une nullité, indigne de l oeuœu incommensurable de king. Si le remake de it manquait de muscles et que la scène de la maison manque d écoute de plateau malgré la virtuosité des jeunes acteurs, je peux largement dire que la tour sombre par un manque d enthousiasme et surtout de passion n aurait pu égalée la trilogie de Peter Jackson et cela l aurait dû. Quel gâchis !
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